FLORNOYSCOPE – Avril 2023

Le 31 mars 2023

Tous les mois nous vous proposerons une lettre avec les rubriques d’information Focus, Patrimoine, Allocations, Performances, dont les sujets varieront.

La version PDF est disponible ici ou ci-dessous. 

La version papier est disponible sur simple demande.

LE MOT DU DIRECTOIRE

LA RUMEUR, CET ENNEMI DES BANQUES

Il y a 40 ans, Douglas Diamond et Philip Dybvig publiaient leur modèle économique montrant que les banques sont particulièrement vulnérables à une fuite des dépôts car elles dépendent des dépôts à court terme pour financer les prêts à plus long terme. Si les déposants ont peur de ne pas pouvoir récupérer leur argent et retirent massivement leurs dépôts, les banques peuvent rapidement manquer de liquidités et faire faillite. Ben Bernanke a étendu cette théorie en l’adoptant à notre époque et ses réseaux sociaux, montrant comment une rumeur propagée par des informations privées, non vérifiées ni fiables, reçues par les déposants les incitent à retirer massivement leurs dépôts, même s’ils n’ont pas de preuve concrète que la banque est en difficulté. Cette panique bancaire peut affecter non seulement la banque qui fait face à une crise, mais aussi d’autres banques qui ne sont pas en difficulté mais qui sont perçues comme risquées. Instaurer la confiance reste l’élément central. Transparence, solidité financière, protection des consommateurs et responsabilité sociale sont autant de mesures à renforcer. Les autorités semblent très réactives cette fois.

Le Directoire

« BÂLE » DANS LA TÊTE

Teddy Dewitte

La réglementation Bâle III est un ensemble de normes de la réglementation bancaire internationale qui a été élaborée par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire en réponse à la crise financière mondiale de 2008. Elle vise à renforcer la solidité financière et la résilience des banques ainsi qu’à réduire les risques systémiques en imposant, entre autres, des exigences de fonds propres plus élevées et en renforçant la supervision bancaire.

RAPPEL DES AVANTAGES & ENJEUX

Quelques-uns des avantages sont : 1) une plus grande stabilité financière grâce à une surveillance et à des exigences de fonds propres plus strictes. 2) une meilleure gestion des risques grâce à l’identification et à la mesure des risques, de crédit, de marché et opérationnels. 3) une meilleure transparence. 4) une meilleure communication avec les parties prenantes grâce à des normes de communication financière plus strictes. 5) une meilleure protection des déposants grâce à des exigences de fonds propres plus élevées et à des règles plus strictes en matière de liquidité.

Les enjeux et conséquences sont : 1) des coûts plus élevés pour les banques en raison des exigences de fonds propres plus strictes et de la nécessité de se conformer à des normes également plus strictes en matière de gestion des risques et de communication financière. 2) une concurrence accrue entre les banques en raison de la mise en œuvre de la réglementation Bâle III dans différents pays et régions avec parfois différents degrés d’application (par exemple aux Etats-Unis). 3) les coûts de conformité impliquent des investissements massifs dans des systèmes d’information et des technologies pour la gestion des risques et la production de rapports réglementaires. 4) les exigences de conformité ont un impact sur la capacité des banques à octroyer des prêts, ce qui peut entraîner une augmentation des coûts pour les emprunteurs et une réduction de l’offre de crédit, particulièrement pour les PME avec des conséquences sur l’économie.

C’est notamment en raison de cela que la Réserve Fédérale américaine (Fed) et la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) ont atténué la mise en œuvre de Bâle III aux Etats-Unis en incluant des mesures visant à réduire les exigences de capital pour les petites banques et à simplifier les exigences de conformité pour les banques de taille moyenne. Si l’on ajoute à cela une relative absence de maitrise de la gestion actif-passif (ALM) de la part des banques régionales américaines, on aboutit à une catastrophe en cas de mouvement violent à la hausse des taux tel qu’expérimenté en 2022. C’est ainsi que les banques régionales SVB, Signature et Silvergate Capital ont fait faillite. Les inquiétudes sur le risque de contagion sur d’autres établissements tels que First Republic Bank ont créé une volatilité importante sur les marchés boursiers et obligataires, et ont finalement conduit à la crise de confiance débouchant sur la reprise dans l’urgence du Crédit Suisse par UBS. Attention à ne pas faire d’amalgame : le Crédit Suisse est tombé pour un problème de confiance et non de fonds propres contrairement aux banques régionales américaines. Les exigences réglementaires sont plus strictes en Europe qu’aux Etats-Unis et en ce sens les banques européennes de taille moyennes sont plus sûres que leurs homologues américaines.

LA SUITE : BALE IV, A(VAIT) DU MAL A NAITRE

Bâle IV vise à améliorer la qualité et la quantité des fonds propres des banques (plus de capital de base de haute qualité), ainsi qu’à renforcer la surveillance et la communication d’informations financières. Il introduit également une nouvelle évaluation du risque de crédit grâce à un système de notation interne avancé. Ces normes sont encore en cours de discussion. Il y a fort à parier que les évènements récents pousseront les acteurs à accélérer le calendrier d’adoption. L’enseignement de cette nouvelle crise est que les règles du jeu sont bonnes et protectrices mais elle doivent être les mêmes pour toutes les banques, quelle que soit leur taille ou leur implantation géographique, car malgré les coûts, les avantages potentiels de la mise en œuvre de Bâle sont considérables, notamment la réduction du risque systémique et la stabilité financière à long terme. Cela peut entraîner une amélioration de la confiance des investisseurs qui est l’élément majeur pour les banques et donc pour les économies.

Arnaud Mortini

Les faillites des banques régionales américaines SVB, Signature et Silvergate Capital ainsi que les inquiétudes de contagion sur d’autres établissements tels que First Republic Bank ont créé une volatilité importante sur les marchés boursiers et obligataires, et ont finalement conduit à la crise de confiance débouchant sur la reprise dans l’urgence du Crédit Suisse par UBS. Ces évènements ont pu avoir un impact significatif sur vos investissements.

En effet, les obligations de type AT1 (Additional Tier 1) sont des titres de dettes hybrides ayant des caractéristiques à la fois de dette et d’actions. Elles sont émises par les banques et les institutions financières pour renforcer leur capacité de financement et répondre aux exigences de Bâle III. Ces AT1 sont également connus sous le nom d’instruments de dette convertible contingente (CoCo) ou subordonnée, ce qui signifie qu’en cas de faillite ou de liquidation de la banque, les détenteurs d’AT1 seront éventuellement remboursés après les créanciers de la dette senior et les dépôts des clients.

Les AT1 ont une durée de vie illimitée, mais peuvent être remboursés par la banque à des dates spécifiques ou être convertis en actions ordinaires si des événements spécifiques surviennent, tels qu’une détérioration significative de la solvabilité de la banque ou une baisse du ratio de fonds propres. Elles ont donc un profil plus risqué que les autres titres de dette bancaire en raison de leur subordination et de leur caractère contingent. En contrepartie, les investisseurs d’AT1 peuvent recevoir des rendements plus élevés que ceux des autres titres de dette.

En 2016, Crédit Suisse a émis pour 6 milliards de francs suisses d’AT1. En 2020 déjà, la banque a décidé de ne pas rembourser ces titres. Cette décision a été prise en raison de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, qui a fortement affecté les résultats de la banque. En ne remboursant pas les AT1, Crédit Suisse a pu préserver son capital et renforcer sa position financière. Cette semaine, l’autorité fédérale de surveillance des marchés financiers suisse (FINMA) a demandé d’amortir complètement les AT1 (17 milliards de dollars) de Crédit Suisse au titre de la survenance de l’évènement déclencheur qu’est l’aide publique exceptionnelle : ici l’octroi par ordonnance de liquidités par la Banque Nationale Suisse (BNS). Les AT1 ont joué leur rôle de coussin de capital même si certains pensaient qu’ils étaient plus seniors dans la structure du capital. C’est finalement le régulateur domestique qui a apprécié le timing du fameux «point de viabilité». Dura Lex Sed Lex.

Il est important de noter que le cas de Crédit Suisse est particulier, car l’établissement se distinguait fortement des autres banques européennes par ses pertes conséquentes en 2020, 2021 et 2022 à la suite de choix calamiteux (Archegos, Greensill, tuna bonds) affectant ainsi la confiance des marchés. Le marché des AT1 des autres établissements financiers, même si actuellement déprimé, n’est pas menacé. La confiance en Crédit Suisse l’était.

Contrairement à beaucoup de nos confrères, nous n’avions pas d’AT1 chez FLORNOY FERRI, surtout pas dans notre fonds obligataire daté « FF CAP 2025 » car cela nous semble contraire à l’esprit du fonds, surtout afin de respecter sa date d’échéance courte au 31 décembre 2025. En revanche, au sein de notre gamme de fonds, les fonds de fonds diversifiés « Flornoy Allocation » et « Primerus Patrimoine » détenaient des fonds d’autres Sociétés de Gestion de Portefeuille investis sur ces supports, et dont la performance a été affectée, réduisant également celle de nos fonds de fonds dans des proportions très maîtrisées.  A l’inverse, le reste de notre gamme de fonds, notamment sur les fonds actions ou les fonds obligataires tel que « Obligreen » ayant un profil moins volatile et avec des titres de meilleure qualité, continuent à afficher des performances qui sont supérieures à leurs indices de comparaison depuis le début 2023. Nous vous invitons à les consulter.

NOS VUES

Le marché a toujours raison. C’est la peur qui a pris une place centrale dans la psychologie des opérateurs courant Mars. La peur seulement car les clients de SVB, Signature ou Silvergate n’avaient rien de l’épargnant américains moyen. Tout comme Crédit Suisse n’était certes pas en forme olympique mais n’était pas Lehman Brothers. Les grandes banques centrales sont face au dilemme consistant à, d’un côté lutter contre l’inflation qui reste élevée en poursuivant la hausse des taux à marche forcée et de l’autre, rassurer les marchés à cause des fortes turbulences du système bancaire. La temporalité des deux sujets n’est pas exclusive. Au final, le rôle très central des banques dans l’économie et le fait que les banques régionales américaines financent 80% de l’immobilier non résidentiel du pays pourrait être le véritable coup de massue ralentissant l’économie américaine. En effet, les contrôles réglementaires plus strictes pour les banques petites et moyennes aux États-Unis devraient rendre l’accès au crédit plus difficile et, après modélisation, serait l’équivalent à une hausse de +50 à +100bp de la Fed. Cela semble suffisant pour véritablement menacer la croissance cette fois et donc stopper l’action de la banque centrale. Cette dernière aura finalement réussi à refroidir l’économie, grâce à cette conséquence inattendue de l’effet secondaire de la violente hausse des taux sur les bilans mal couverts des banques moyennes. Cela signifie que la dynamique des marchés va changer car nous observons probablement en ce moment même le fameux « pivot » aux USA.

Au delà de ces banques petites et moyennes, c’est tout le secteur bancaire qui est touché par cette crise de confiance. Nous y étions très largement exposé, mais en Europe pour l’essentiel, car les fondamentaux et les atouts de ce secteurs nous semblent bien adaptés pour résister et performer à l’environnement qui prévalait jusqu’alors, à savoir un contexte de hausse de taux pour répondre à la menace inflationniste tout en observant une économie résiliente. Nous continuons à penser que le secteur offre un gros potentiel en Europe, même si nous évitons les nordiques, trop exposées à l’immobilier.

De façon générale, nous devons remettre en cause nos tendances en place depuis Q4 2022 à savoir : surpondération de l’Europe, des financières, de la value et des cycliques (cf. tableau de bord à droite). Qui dit fin de la hausse des taux, dit qu’il vaut mieux favoriser les croissances plutôt que les cycliques. Nous nous remettons sur le NASDAQ à ce titre et réaugmentons mécaniquement la part américaine de nos portefeuilles. Nous maintenons la surpondération Chine. Sur les portefeuille obligataires, nous avons sensiblement remonté la duration, diminué un peu le high yield (surtout dans les fonds diversifiés) et nous maintenons le pari réglementaire sur les « Legacy Tier 1 » compte tenu du contexte et du fait que la « European Banking Authority » a dépêché sur site des délégations pour contrôler l’avancée des banques en la matière.

TABLEAU DE BORD

LE CAP DE LA GESTION COLLECTIVE FLORNOY

Actions

Positionnement cible : 48% (+4%) défensives, 48% (-4%) cycliques, 4% (0%) cash

Secteurs :                          renforcement :  Alimentation & boissons, Technologie

                                         allègement :      Banques, Industrie

Obligataire

Positionnement cible :  50% (-1%) taux fixe, 44% (-2%) taux variable, 2% (+1%) convert., 4%  (+2%)  cash 

Rating :  37% (-3%) invest. grade, 42% (+1%) high yield, 15% (-2%) non noté, 4% (+2%) cash

Secteurs :  76% (-3%) finance, 11% (=%) industrie, 4% (+1%) techno/com, 2% (=%) biens conso cyclique, 1%  (+1%) matériaux de base, 1% (=%) énergie, 4% (+2%) cash